Monday, January 16, 2006

RIZ ET POLITQUE OU RIZ AMER

Riz et Politique ou RIZ AMER

On connaît le constat : Haïti satisfaisait ses besoins en céréales il y a quinze ans, mais dépend de l’étranger aujourd’hui pour plus de la moitié de sa consommation de riz. Cette situation se traduit par une déstructuration des campagnes et par des fuites de devises, dans un cercle vicieux catastrophique. Ce riz importé (le Miami rice) provient en grande partie des Etats-Unis, où il bénéficie de très fortes subventions. Le riz produit en Haïti est proposé deux fois plus cher au consommateur que celui qui est importé. Comment en est-on arrivé là ? Par une "libéralisation" presque totale du commerce extérieur haïtien en 1994.

Le pays qui aurait le plus besoin de protéger son économie, à tel point que même les instances libérales de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ont prévu que pour ces pays des exceptions puissent exister à la liberté du commerce, ce pays donc n’utilise pas ces dispositions. Au contraire, Haïti est une des économies les plus ouvertes du monde, avec le résultat que l’on constate. Pourquoi avoir mis en œuvre cette libéralisation après 1994 ? Elle résultait du blocus désastreux imposé par les Etats-Unis qui à l’époque soutenaient Aristide en exil. Traduction : Aristide a négocié des soutiens aux Etats-Unis, et en particulier à promis aux lobbies agricoles américains cette libéralisation.

Il est évident que tout candidat sérieux à la présidence de la république doit s’engager à mettre un terme, dès cette année, à cette politique désastreuse. Il est évident qu’Haïti doit retrouver une forme d’indépendance alimentaire, peut-être pas totale, mais en tout cas plus raisonnable. L’aide internationale doit servir à cela. Il faut non plus importer du riz subventionné, mais au contraire obtenir de pouvoir subventionner les exportations de riz haïtien.

Donc renverser totalement la situation. De cette manière, d’une part les campagnes seront stabilisées, l’afflux dans les bidonvilles diminué, et les comptes extérieurs rétablis. Haïti est parfaitement en position de négocier un tel abri commercial pour une période disons de dix ou quinze ans, le temps de rétablir sa situation. Il ne s’agit pas de se couper du commerce international, mais d’obtenir un régime particulier de transition.

Mais, le plus important, c’est la manière dont un tel programme serait mis en œuvre. Car qui dit subventions et aides de l’Etat, dit malheureusement aussi corruption. Si la communauté internationale accordait une aide et un régime privilégié pour Haïti, pour une période longue mais pas éternelle, elle devrait aussi exiger en retour un contrôle rigoureux de la façon dont ces ressources seront distribuées.

Un candidat sérieux devrait demander cela aussi, en renonçant par avance, en cas d’élection, à pouvoir organiser à son profit et celui de ses supporters la distribution de l’aide. Les électeurs, et en tout cas l’opinion éclairée, devraient exiger une prise de position très claire sur ce point : quelle va être la politique agricole précise mise en œuvre, comment vont évoluer les importations de riz ? Voila une question concrète, précise, et sa réponse révèlerait, mieux que des discours pompeux, ou les cric-crac d'un passé récent, la réalité d’un programme politique.

Margaret Cartier
Paris, le 13 Janvier 2006

mag.cartier@gmail.com
castillecastillac@gmail.com

Paru dans le Matin d'Haiti, édtion du vendredi 13 janvier 2005

0 Comments:

Post a Comment

<< Home