Friday, June 02, 2006

UN PEU D'ECONOMIE C'EST BEAUCOUP DE POLITIQUE

A long terme l’économie, toujours, garde le dernier mot. Demain, des lois justes peuvent être appliquées avec justice et efficacité, le nouveau gouvernement pourra bien s’avérer le meilleur gouvernement qu’Haïti n’ait jamais connu, mais si les activités économiques restent ce qu’elles sont aujourd’hui, la situation du pays continuera d’empirer.

L’inverse est vrai aussi : si demain l’agriculture reprend, si des usines ouvrent, si un semblant de prospérité s’installe, alors, et quelles que soient les tares éventuelles du nouveau pouvoir, il restera celui qui a permis que les affaires reprennent. Mais une chose est sûre, aucun pays ne peut avoir d’autre objectif que de s’affranchir de l’aide internationale, d’être capable de nourrir lui-même toutes ses bouches.

L’économie possède cependant la réputation d’être une discipline ennuyeuse, trop aride, trop technique pour faire réellement partie du débat public. Affaire de spécialistes, affaire de privilégiés, il serait inconvenant d’ennuyer le peuple avec ça. Et finalement cette réputation arrange tout le monde. Les spécialistes de la politique, dans la majorité comme dans l’opposition, peuvent ainsi continuer à galvaniser leurs troupes avec des mots d’ordre vibrants, les uns accablant le gouvernement de tous les maux, les autres défendant l’ordre et invoquant les fameuses « contraintes internationales ».

Il existe pourtant des évidences qu’il est utile de rappeler car face à chacune de celles-ci un débat indispensable doit être organisé sur le « comment faire ».

La première des ces évidences est que l’économie d’un pays a besoin d’infrastructures matérielles, et notamment celles de l’eau, de l’énergie (de l’électricité) et des transports. Toutes trois manquent notoirement en Haïti. Comment vont-elles être mises en place ? Avec quel calendrier et quel financement ? Ces infrastructures doivent être, pour être efficaces, surdimensionnées. Elles ne doivent pas se contenter de satisfaire la demande actuelle, qui justement se trouve rétrécie par l’absence d’offre, mais un programme sensé doit anticiper le niveau de la demande future.

Par exemple, à quoi servirait aujourd’hui un chemin de fer qui relierait les extrémités du pays ? -Ah le petit train de la Hasco- Pas à grand-chose, dirait-on car il n’y a pas grand-chose à transporter, sinon des émigrants intérieurs qui iraient grossir encore une capitale déjà surpeuplée. Mais si on raisonne ainsi, on entre dans un cercle vicieux. Si l’on veut développer un jour un véritable marché intérieur des denrées agricoles, il faut construire (réhabiliter?) dès aujourd’hui le réseau qui les acheminera.

La même chose vaut pour l’eau et l’électricité. L’urgence des besoins du moment ne doit pas masquer l’utilité de prévoir plus grand. Mais qu’est-ce que cela signifie « plus grand » ? Voila un deuxième débat. Haïti peut-il devenir autre chose qu’un pays d’agriculture ? Ce serait déjà bien, mais est-ce suffisant ?

Peut-on imaginer de créer (re-créer) de petites unités de production, de petites usines, de ciment par exemple ou de transformation des produits de la terre, un peu partout dans le pays pour y fixer la population et limiter l’exode rural ? Quelqu’un sait-il comment le faire et un débat a-t-il lieu sur la façon de le faire ?

A long terme, tous les exemples de développement réussis montrent qu’il ne faut pas opposer le développement de l’agriculture et celui de l’industrie, celui des usines et celui des bureaux, mais qu’au contraire ils s’entrainent les uns les autres. Comment faire cela de manière à peu près harmonieuse ?

Il me semble que ces questions, ou d’autres du même genre, devraient tenir plus de place dans le débat public que la question de savoir si oui ou non les responsables du gouvernement intérimaire, ou de celui qui l’a précédé, méritent d’être jugés. L’économie est pour Haïti une question à la fois plus urgente à court terme et plus importante à long terme. Et la sécurité qui garantit tout cela?


Margaret Cartier
Paris, le 29 Mai 2006-05-29

castille@magdotcom.net

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