Monday, January 30, 2006

UNION NATIONALE OBLIGATOIRE

Le premier tour des élections, en principe, est pour dans deux semaines. Bien sûr toutes les cartes d’électeurs n’auront pas été distribuées. Des bureaux de vote auront été installés dans des zones choisies en dépit du bon sens, ou plus vraisemblablement selon le seul bon sens d’intérêts locaux qui se croient très malins.

Des électeurs devront faire plus d’une heure de marche, et on ne manquera pas de souligner le nombre de ceux qui auront été découragés. Il n’y aura pas de bureaux de vote dans Cité Soleil. Il y aura hélas très probablement quelques incidents, fomentés ou non par des mercenaires Sud-Africains. Déjà s’entendent, sans même attendre le verdict, les arguments de ceux que le résultat des urnes aura désavoués, pour en contester la légitimité. Il est presque certain que près des deux tiers des adultes de ce pays seront déçus par le premier tour.

Pourtant, que ceux-là voient plus loin que leur déception et que la patience les inspire! En premier lieu parce que ce premier tour sera suivi d’un second et qu’entre les deux on assistera sans doute au véritable point de départ de la vie politique de ce pays, je veux dire les alliances entre candidats. La configuration effective de ces alliances me parait imprévisible, mais on peut risquer une conjecture. Un des deux candidats sera sûrement lavalassien. Quelles alliances pourra-t-il nouer ?


Quels faux nez de Lavalas se démasqueront alors ? Et en face, y aura-t-il ou non la création d’un « front du refus », et dans quel équipage ? Ces questions sont beaucoup plus intéressantes, et importantes, que les résultats du premier tour. Car l’enjeu est bel et bien la création d’un gouvernement d’union nationale, une union qui ne sera jamais parfaite, jamais totale, mais dont l’étendue gouvernera les années à venir.

Si des alliances larges se mettent en place, si la participation au vote est importante et, j’insiste, quelque soit le nom du président, alors on peut espérer malgré toutes les difficultés passées, l’amorce d’un cercle vertueux pour Haïti. Si ce gouvernement réunit une base électorale suffisamment large, s’il a la sagesse de ne pas se précipiter sur les postes et les prébendes et s’il s’ouvre à l’opposition, enfin s’il établit une sorte de contrat avec les institutions internationales et l’administration américaine, on peut espérer.

Un programme de gouvernement simple : priorité économique au rétablissement de l’électricité et mise en place d’une protection, pas uniquement douanière, pour la production de riz. Remise en place d’un Etat de droit sous le contrôle de la communauté internationale. Poursuite énergique du « nettoyage » de la police et restauration du monopole public de l’usage de la force.

Ce programme s’imposera à tous les candidats. Celui qui aura le pouvoir et ne l’appliquera pas ne doit pas être envié, car il finira aussi mal que les gouvernements précédents. Celui qui aura le pouvoir et l’appliquera ne doit pas non plus être envié car ce sera très difficile. Le vainqueur sera sous le double feu de l’opposition et de la communauté internationale. Les exigences des deux l’empêcheront très sûrement de jouir de sa victoire.



C’est pourquoi ceux qui seront rejetés dans l’opposition ne savent peut-être pas la chance qu’ils ont. Et c’est pourquoi aussi le vainqueur, s’il a deux doigts de bon sens stratégique, devrait avoir pour premier souci de faire monter l’opposition à bord, - je ne parle pas ici de commensaux- de créer une large union pour travailler ensemble et pour diminuer le nombre et la force de ceux qui ne manqueront pas de le harceler dès qu'auront été balayés les reliefs de la fête de la victoire.


Margaret Cartier
Paris, le 26 janvier 2006

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