Tuesday, February 14, 2006

LE TAUX DE PARTICIPATION EST LE VERITABLE VAINQUEUR DES ELECTIONS

Je l’ai écrit à de multiples reprises depuis un an, et je ne vais pas changer d’avis maintenant : le plus important dans les élections qui ont eu lieu le 7 février était le taux de participation. C’est gagné. Haïti a montré le visage d’un pays qui veut voter, et c’est bien là l’essentiel. Malgré les immenses difficultés pour établir les listes électorales, mettre en place les bureaux de vote, distribuer les cartes d’électeurs, assurer une sécurité convenable au moins lors du scrutin, permettre une campagne électorale à peu près digne de ce nom, pour ouvrir les bureaux de vote à l’heure, malgré un certain nombre d’échecs graves dans ce domaine, les Haïtiens ont voté en nombre.

Ils ont surtout manifesté collectivement, pour la première fois dans un cadre contrôlé sinon tout à fait démocratique, une volonté de participation, et c’est ce que retiendra la communauté internationale. Tout commence maintenant, mais le point de départ est atteint, et cela change tout. Avant d’envisager le futur, il est important, dans ce pays que le sort a accablé mais qui aussi se complait parfois à porter trop haut ses tares masquées en spécificités, de prendre le temps de se réjouir d’un acquis, d’un examen réussi.

Bien sûr maintenant on va lire que c’était la moindre des choses, que Haïti ne fait finalement aujourd’hui que ce que la grande majorité des autres peuples savent faire depuis longtemps, et on va contempler la moitié vide de la bouteille à moitié pleine. Moi je voudrais m’arrêter un instant sur la partie pleine. Ce pays avait déjà voté par le passé. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une « première » historique.

Mais, précisément, les piètres résultats des précédents scrutins auraient pu donner à la mémoire collective un dangereux mais compréhensible dégoût du vote. Or, il n’y avait pas d’autre issue aujourd’hui que de porter au pouvoir une équipe jugée légitime par cette communauté internationale dont le concours, qu’on le veuille ou non, restera indispensable pendant de nombreuses années encore. Malgré les difficultés, les réserves historiques et les ressentiments, les électeurs haïtiens, collectivement, l’ont compris. Et il y a de quoi en être fier.

Maintenant tout reste à faire. Un pouvoir doté d’une nouvelle et forte légitimité va devoir apprendre à ne pas en abuser. Et à en user avec fermeté là où c’est nécessaire. Sur une opposition déçue va reposer la responsabilité d’établir les fondations d’une véritable culture démocratique dans ce pays. Elle devra à la fois se faire respecter du pouvoir sans se compromettre avec lui, et montrer l’exemple du sens de l’intérêt général. La communauté internationale va devoir tenir ses promesses rapidement, et le nouveau gouvernement devra être intransigeant sur ce point et savoir se faire entendre dans l’opinion mondiale si les promesses ne sont pas tenues.

L’ONU, l’Europe et l’Amérique ont posé comme condition au déploiement effectif d’une aide stratégique, je veux dire pas un saupoudrage d’ONG douteuses, le fait que ce pays se dote d’un gouvernement démocratiquement élu. Cette condition étant remplie, dans la douleur et les imperfections, les projecteurs doivent être braqués désormais ailleurs qu’à Port-Au-Prince.

En attendant, que les partisans de l’heureux élu fêtent leur victoire, que les perdants soient beaux joueurs, et que ceux qui comme moi ne se réjouissent pas de ce résultat voient plus loin que le présent : l’opposition d’aujourd’hui sera le pouvoir de demain.

Margaret Cartier
Paris, le 9 février 2006

matinales@magdotcom.net
castillecastillac@magdotcom.net

Sur le Net
www.magdotcom.net le lundi suivant l'édition du Matin

0 Comments:

Post a Comment

<< Home