Monday, January 09, 2006

LA MINUSTAH EN HAITI

La Minustah est tout, et le reste, sauf une force d'occupation. Alors que, contrairement aux espoirs, l’insécurité grandit, des voix s’élèvent pour considérer qu’Haïti serait victime d’une nouvelle occupation, la présence des troupes de l’ONU étant comparée au débarquement américain de 1996, voire à l’occupation de 1915. Venant de partisans du prétendu « président élu », l’accusation n’est pas une surprise, elle est même logique. Mais cette idée semble faire tout doucement son chemin au-delà des aristidiens. Puisque la Minustah déçoit et qu’il y a des raisons de la critiquer, sautons allégrement le pas et assimilons-là à une force d’occupation.

Mais c’est ôter aux mots leur sens et empiler la bêtise sur l’ignorance. D’abord que veut dire « force d’occupation » ? L’occupation d’un pays est toujours le fait d’un autre pays. Or l’ONU n’est pas un pays, mais l’association de tous les pays du monde. On comprend que jadis l’Argentine ait pu vouloir « occuper » le Paraguay, ou l’Allemagne la Pologne ou la France, mais que diable pourraient bien espérer l’ensemble des pays du monde en « occupant » Haïti ?

Ce n’est pas jouer sur les mots que faire cette distinction, au contraire. Les mots sont importants et ils doivent, en politique, être utilisés avec le maximum de précision. Car que se cache-t-il derrière cette assimilation de la Minustah à une force d’occupation ? L’idée que c’est toujours la faute aux étrangers. Ces soldats canadiens, jordaniens, chiliens, seraient lâches, corrompus, inefficaces. Tous les Haïtiens sont-ils par contraste courageux, honnêtes et efficaces ? Il faut que le pays prenne ses responsabilités. La véritable force d’occupation du pays ce sont les gangs, et ses ennemis ceux qui encouragent ces chimères.

Il est bien possible que, par contact, quelques éléments de cette force internationale d’intervention aient pu avoir des attitudes ne correspondant pas à leur mission. Mais on dénonce mal ces faits en considérant les troupes étrangères comme une force d’occupation. On les dissimule même, et on les excuse presque.

Le Conseil de Sécurité de l’ONU se réunit pour examiner à nouveau la situation d’Haïti au moment où j’écris ces lignes. L’heure est très grave. L’ONU va sans doute augmenter ses exigences envers la classe politique haïtienne. En retour, le pays doit être exigeant sur la manière dont cette institution remplit sa mission. Mais ce n’est certainement pas en la considérant comme une force d’occupation que l’on y parviendra.

Margaret Cartier
Paris, 06 Janvier 2005

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Paru dans Le Matin d'Haiti édition du 6 janvier 2005