Thursday, May 11, 2006

LE TEMPS DU CONCRET

ETAT (immédiat) = Electricité, Sécurité, Agriculture et Transparence

Le nouveau gouvernement d’union va entrer dans les méandres d’une culture politique haïtienne en voie de reconstruction. Mais une ère nouvelle s’ouvre qui va supposer de nouvelles grilles de lecture des comportements, l’abandon d’anciens réflexes de pensée, et qui va sans nul doute réserver des surprises. Des déceptions, sans doute, mais aussi quelques scénarios inédits, espérons-le. En tout cas, la période de la politique politicienne va se refermer, pour un temps, et l’Etat devrait, lentement, se remettre au travail. J'en formule ici le souhait. J'en entretiens l'espoir.

Il s’agira bien sûr de faire rêver, avec de grands projets à long terme. C’est nécessaire, et ce n’est pas parce que le présent est lourd et douloureux que l’avenir doit rester une chimère, au contraire. Mais le citoyen sera plus attentif à la consistance des mesures prises à court terme qu’à la qualité des projets à long terme et à la stratégie mise en œuvre à cet égard.

Aussi faut-il observer l’action immédiate du nouveau gouvernement en considérant qu’elle s’inscrira dans un « carré magique », un terrain dont les quatre coins sont les suivants : l’électricité, la sécurité, l’agriculture, la transparence.

L’électricité, car il faut convaincre les autorités internationales de l’urgence absolue de rétablir l’alimentation électrique des villes du pays. L'obscurité entretient toutes sortes d'obscurantisme, surtout ceux qui nous paraissent lumineux, alors que simplement brillants.

Pour des raisons humanitaires, pour des raisons économiques et parce que cette disposition pratique –l'électricité- gouverne toutes les autres. Quand ? Comment ? Quel est le calendrier concret du rétablissement du courant ? Le gouvernement doit prendre des engagements, et donc des risques à ce sujet. Inlassablement, chaque citoyen a le devoir de le harceler à ce sujet.

La sécurité est une exigence évidente. Elle ne reviendra pas immédiatement. Mais des améliorations rapides et durables sont possibles et, là encore, l’action doit être concrète, efficace et sans délai.

L’agriculture, seule activité économique significative en Haïti, -je rêve que revienne notre riz- doit être aidée et rassurée. Il n’y a pas besoin d’années de séminaires et de réflexion à ce sujet. De très nombreux experts se sont penchés sur cette question, et sur l’essentiel ils sont d’accord : il faut réformer les tarifs douaniers et réorganiser le marché intérieur, notamment celui du riz. Quel est le plan du gouvernement? A quoi s’engage-t-il et dans quels délais ?

Enfin la transparence est une exigence de rupture avec les pratiques anciennes. Transparence du budget de la nation, avec une publication régulière et sincère des recettes et des dépenses. Avec un débat public raisonnable sur les priorités, sur ce qui peut être fait tout de suite, sur ce qui doit attendre. Cette transparence doit en particulier s’étendre aux aides internationales, sous toutes leurs formes, y compris les ONG. De quelles ressources disposent-elles et qui les finance ? Sans cette transparence il n’y a pas de débat public et sans débat public il n’y a pas d’action efficace de l’Etat.

Pour éviter que les rivalités politiques ne se résument à des querelles de personnes et de clans, elles doivent être canalisées vers ces sujets urgents et concrets, et c’est par rapport à ces sujets que des alliances sérieuses peuvent se nouer, ou se dénouer, durablement….Anfin, se sa m'ta di.

Margaret Cartier
Paris, le 7 Mai 2006
castille@magdotcom.net