Tuesday, September 12, 2006

L'ETE NOIR DE LA DIPLOMATIE AMERICAINE

Seule l’indifférence, la meilleure amie des coupables, pourrait encore éviter à l’administration Bush de rester dans l’histoire comme la plus incompétente que l’Amérique ait connu depuis un siècle et demi. Mais la sanction violente de ses multiples échecs dans le monde s’annonce car l’été qui s’achève lui a présenté le plus sinistre des tableaux.

En Irak, chaque jour semble réaliser l’impossible dépassement des atroces violences de la veille. Nous en sommes à près de 100 morts par jour, chiites un jour, sunnites à l’aube suivante. Le fossé entre les communautés musulmanes, déjà large avant l’intervention américaine, se remplit chaque jour de sang et de vengeances inextinguibles. Enfants, vieillards, religieux, les attentats tuent et mutilent aveuglement. Tous les jours. L’Iran, soutien de la majorité chiite, triomphe. Les Kurdes, troisième composante d’un pays jadis ligoté sous le joug de Saddam Hussein, et qui ne poursuivent qu’un seul but, celui de l’indépendance, sont sur le point de déséquilibrer la Turquie, où les attentats reprennent.

La menace terroriste, que l’Amérique prétendait éradiquer par son intervention militaire, tétanise l’Angleterre, après l’Espagne, l’Indonésie, ou l’Egypte et détériore chaque jour les transports internationaux du monde entier. Il est aujourd’hui impossible d’emporter le moindre liquide, le moindre gel, le moindre tube de rouge à lèvres dans les avions. Est-ce là le monde plus sûr que nous promettait Bush ?

Au Liban, son soutien obstiné aux "exactions" israéliennes, n’a pas empêché une issue universellement considérée dans le monde –arabe, il est vrai- comme une cinglante défaite de Tsahal, l'armée d'Israël, et un triomphe du "candide et innocent" Hezbollah que le temps dépouillera fatalement de l'aura romantique attachée à l'idée de guérilla.

Aux récentes élections libres qu’aiment tant les théoriciens de Washington, ce dernier mouvement avait emporté 100% des voix dans de très nombreux endroits du Sud Liban. –même si nous savons qu'un tel score à des élections est souvent louche- Il ne peut donc plus guère faire mieux, mais il le fera désormais pendant longtemps. L’administration Bush se méfiait de l’ONU, mais a du se résigner à lui remettre les clefs de la paix. Là encore l'actuel Iran triomphe, et sans discrétion.

Dans une Amérique latine désormais majoritairement composée de gouvernements opposés à la toute-puissance de l’Amérique, Chavez domine se posant en nouveau Fidel des temps modernes et ce dernier peut dormir tranquille en confiant le pouvoir à son frère.

Les Nord-coréens font des essais de missiles, l’Iran a affirmé récemment ne rien devoir céder à l’ONU sur la question de son programme nucléaire, avec – de facto- le soutien de la Chine et de la Russie. Les démissions se succèdent au cœur même des services de renseignements américains. L’Armée grogne, la CIA est déstabilisée. Aujourd’hui, quel est le poids diplomatique réel de l’Amérique? Comment autant de force peut-elle se traduire par autant d’avanies ?

L’Amérique de Bush conserve cependant, globalement, une alliée de taille : l’absence d’alternative globalement désirable. Au lieu d’être intégré au monde américain, préférez-vous devenir communiste chinois, ou bien intégriste musulman? Mais ce qui est vrai globalement ne l’est pas localement. Ici où là, des peuples tournent le dos à l’Amérique, au moins avec cette Amérique-là. D’où une vraie question pour le débat politique haïtien : quelle Amérique faut-il aimer ? Celle qui soutient et finance la transition démocratique du pays, c’est-à-dire cette peu aimable administration Bush, ou bien celle qui avait soutenu les abus de pouvoirs d’Aristide, celle de Clinton, dont cependant les échecs, en Somalie comme en Haïti, n’avaient pas les mêmes reliefs ?

Margaret Cartier
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1er septembre 2006