Tuesday, April 04, 2006

CONSTRUIRE UNE CULTURE POLITIQUE

Le nouveau pouvoir haïtien va s’atteler dans les mois qui viennent à une tâche immense. Persuader les autorités internationales d’élargir et de concrétiser leur volonté d’aide financière. Reconstruire et développer une véritable police. Se débarrasser, en y mettant les formes, d’amis et de soutiens encombrants. Pour chaque chantier, celui des hôpitaux, des écoles, de l’administration, de l’économie, il devra courir deux lièvres à la fois. Celui du court terme et celui du long terme. Prouver rapidement son efficacité, obtenir des résultats tangibles et rapides, et le faire savoir.

Mais aussi mettre en œuvre des politiques nécessairement de longue haleine, indispensables mais qui seront toujours jugées comme des gaspillages par rapport aux urgences d’aujourd’hui. Par exemple en matière de formation et de recrutement des fonctionnaires de l’Etat haïtien de demain. L’équipe au pouvoir devra concilier la patience du paysan qui plante un arbre et l’impatience du chasseur qui veut sa proie pour midi. Espérons que la vertu la guidera dans cet exercice difficile.

Mais dans le même temps l’opposition aurait tort de se croiser les bras en espérant que le gouvernement échoue et en se réjouissant de chaque échec. Elle aussi a du pain sur la planche. Les tâches de l’opposition, quoique plus simples que celles du gouvernement, seront également difficiles et nécessaires pour le futur développement du pays.

La première tâche de l’opposition sera de s’organiser. Et notamment d’éviter la prolifération de ces faux partis, de ces groupuscules qui ne sont que les oripeaux dont s’habille la vanité de quelques notables plus attirés par les avantages du pouvoir que par ses exigences. L’union de l’opposition, pas forcément dans un parti unique, mais autour de deux, au maximum trois pôles, sera un grand service, humble mais essentiel, rendu à la nation.

Cette opposition ne devra surtout pas attendre les prochaines périodes électorales pour gagner les esprits. Elle devra au contraire essayer de conquérir chaque jour de nouveaux adhérents, de nouveaux militants. Elle devra d’abord se consacrer à la pédagogie. Expliquer, expliquer encore, à la marchande comme à l’homme d’affaires, au jeune étudiant comme à cette vieille femme influente dans son village. C’est une tâche qui suppose des militants, du courage, de la ténacité. C’est une tâche sans récompense immédiate. Mais indispensable.

Sur cette base quotidienne, dont les fruits ne seront donnés que lentement, l’opposition devra trouver son rôle dans la démocratie haïtienne. C’est elle qui en sera le principal inventeur. Ni connivence avec le gouvernement, ni opposition stérile, voilà le programme. L’opposition devra être attentive à tout manquement, tout arrangement, elle devra être informée, curieuse, sceptique. Mais elle devra l’être dans l’intérêt de la nation. Cela supposera parfois de retenir ses coups contre la politique du pouvoir, quand elle jugera que ce décisions sont prises dans l’intérêt général. Je pense en particulier aux politiques de long terme, la formation, la reconstruction d’un Etat de droit et de l’économie du pays. Cela suppose une opposition elle aussi vertueuse, bien formée, capable de faire l’arbitrage entre des gains politiques à court terme et son destin national à long terme.

Car si l’opposition est conséquente, elle souhaitera devenir un jour prochain la majorité, et donc exercer le pouvoir. Ainsi, dans cette période cruciale d’apprentissage de la démocratie, l’opposition d’aujourd’hui doit donner l’exemple à l’opposition de demain. Les hommes politiques rusés trouveront tout cela idéaliste et inefficace. Haïti n’a jamais manqué d’hommes politiques rusés. Souhaitons qu’elle puisse demain échanger un peu moins de ruse contre un peu plus de vertu, pour que l’efficacité et la richesse de tous s’en portent mieux..…Qu'a-voulu-dire-l'auteur? Accroître les "élites".

Margaret Cartier

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Paru dans le Matin d'Haiti, édtion du vendredi 31 mars 2006